«Se former, c’est se remettre en cause pour se bâtir un lendemain meilleur»

«Se former, c’est se remettre en cause pour se bâtir un lendemain meilleur»

Actualités
Publié le 12 septembre 2020

Alain Decouflet, secrétaire général de l’Institut national de la Boulangerie Pâtisserie

Alain Decouflet, vous dirigez l’INBP depuis plusieurs années, établissement créé et géré par des boulangers-pâtissiers et au service de ces derniers. La formation est en constante évolution. Qu’en est-il exactement ?


« Se former, c’est vouloir maîtriser des techniques, savoir-faire et données pour honorer et faire face à de nouvelles envies et besoins. Par le passé, on se formait le plus souvent juste le temps de ses études, à l’école. Et cela suffisait souvent pour faire une carrière. Ce temps est bien loin. Le monde change, évolue chaque jour de plus en plus, et de plus en plus vite. On ne peut plus l’appréhender comme avant.

Nous devons être attentifs à ce qui se passe autour de nous, aux évolutions et nouvelles technologies qui régissent nos vies et nos rapports sociaux. La formation tient compte de tout cela. Venir faire un stage de perfectionnement avec un Meilleur Ouvrier de France, comme nous en proposons de nombreux, pour se perfectionner et offrir ainsi un produit encore plus excellent à ses clients est, et sera toujours, d’actualité. Mais à présent, il faut intégrer de nouvelles pratiques qui sont désormais essentielles à nos métiers. Et ne pas le percevoir, c’est, malheureusement, risquer de disparaître.

Quels sont ces nouveaux enseignements qui s’avèrent nécessaires
aujourd’hui et complémentaires de ceux inhérents aux bases de nos métiers ?


Il faut intégrer Internet et les réseaux sociaux. C’est plus qu’indispensable, et même vital. Le lien de proximité – que les boulangers-pâtissiers ont déjà pour beaucoup de par leur présence au cœur des bassins de population – doit être développé, renforcé. Cela ne saurait se limiter à une vitrine. Ces nouveaux savoirs doivent servir à créer une communauté, sa « communauté », pour que le client suive le quotidien de l’artisan, puisse savoir en permanence, quasi en temps réel, ce qu’il fait et propose. Cela s’apprend, même si certains ont plus de talent, de facilité pour cela. Particulièrement, les jeunes qui appartiennent à la génération du web. Et, de manière plus générale, sont plus rompus à ces outils technologiques qui les bercent depuis leur enfance.

Mais cela n’est pas une totale nouveauté pour votre institut de formation qui, depuis plusieurs années déjà, a pris la mesure de l’importance de ces enseignements émergents.

Oui. Il est vrai que depuis plusieurs années, nous avons identifié l’importance de ces cursus et analysé qu’ils allaient prendre une place de plus en plus considérable. On doit s’y former, comme l’on apprend à faire de la viennoiserie. C’est d’ailleurs pour cela que nous proposons plusieurs formations en ce sens.


La crise de la Covid-19 que nous subissons, n’atteste-t-elle pas de manière encore plus cuisante ce que vous dites ?


Cette pandémie nous montre chaque jour davantage que ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui savent « apprivoiser » ces nouveaux outils. Il faut cependant savoir les manier, en faire quelque chose de pertinent qui retienne l’attention, suscite l’intérêt du plus grand nombre.

Dans les pages de votre magazine, vous en faites d’ailleurs état. Vous relatez ces histoires dans lesquelles cela se vérifie. Je pense à ces jeunes boulangers qui tiennent quotidiennement un journal sur les réseaux sociaux pour partager leur quotidien avec leurs clients, leur dire ce qu’ils font, ce qui va sortir de leur four, les problèmes et difficultés qu’ils rencontrent. D’autres s’en servent pour surfer sur les tendances sociétales. Il faut contenter les nouvelles attentes du consommateur. Je pense à ce jeune artisan qui a proposé des kits pâtisserie lors du confinement, en réponse à l’envie de faire des gâteaux qu’ont eu beaucoup de Français. Certains ont même donné des recettes, parfois en vidéo. Et, ils ont été suivis et remerciés par leur clientèle. Cela crée du lien et attache les gens à soi.

Être boulanger-pâtissier, c’est donc être aussi un communicant ? Mais cela s’apprend-il vraiment ?
Oui, même si certains ont plus de facilités que d’autres dans ce domaine. Communiquer n’est finalement pas spécifique à nos métiers.
C’est tout aussi valable pour un libraire ou un charcutier. Pendant le confinement, trop de nos entreprises, particulièrement celles faisant du snacking, ont été subitement et totalement coupées de leurs fidèles clients. Malheureusement, certains ne s’en remettront pas.


La formation, c’est donc avant tout accepter de se remettre en question, de se remettre en cause…


Cela est essentiel. Vital. Il faut savoir, oser se remettre en cause pour se construire, se bâtir un lendemain meilleur. Mais ce n’est pas toujours simple. Cela demande d’être accompagné, assisté dans ce travail par des personnes dont c’est justement le métier. Se former, c’est accepter de se mettre à nu pour revêtir une nouvelle tenue, un nouveau costume au goût du jour, sans vendre son âme, et s’adapter à ce que les autres attendent de vous.


Mais comment un artisan boulanger-pâtissier, qui a le nez dans le guidon et dans les difficultés, surtout en ce moment, peut-il savoir précisément de quel type de formation il a besoin ? Et a-t-il seulement les moyens financiers pour cela ?


À L’INBP, nous sommes là pour aider tout un chacun à déterminer la formation qu’il lui faut. Nous faisons d’ailleurs du sur-mesure. Nous faisons avant tout un audit gracieux avec ceux qui nous sollicitent pour savoir ce qu’il convient qu’ils fassent, ce qu’ils changent, arrêtent ou développent. Quant au financement, il y a toujours des solutions pour que tout le monde puisse accéder à une formation. N’oublions pas que chez nous, l’esprit est avant tout mutualiste. Nous sommes de la profession. »

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