Tendances alimentaires : le grand retour du plaisir
Publié le 1 décembre 2024
Comme chaque année, l’Association Nationale de la Meunerie Française édite sa fiche statistique. Un document toujours très éclairant pour les professionnels de la boulangerie-pâtisserie car elle présente l’évolution du marché de la farine et des entreprises qui la produisent. C’est dire si les informations délivrées sont stratégiques ! Cette fiche concerne l’exercice 2021 et ne prend donc pas en compte la guerre en Ukraine et son impact sur l’économie mondiale, notamment sur la filière des céréales. Les choses étant remises dans leur contexte, force est de constater que cette année 2021 était placée sous les meilleurs auspices et laissait augurer un retour à la normale avec le « ralentissement » de la pandémie de la Covid.
2020 peut être considérée comme une annus horribilis avec le déboulé aussi soudain que violent de la Covid-19 accompagné de ses drames humains et du blocage quasi-complet et pour de longues semaines de toute la société. Du jamais vu depuis des décennies ! Après ce véritable cataclysme, 2021 marquait les prémices d’un retour à la normale, « au monde d’avant » comme le veut l’expression dorénavant consacrée, même si on parle aujourd’hui de plus en plus d’une possible 7e vague…
Les ventes de farine en progression de 3 %
Cette tendance se confirme avec les chiffres présentés par l’Association Nationale de la Meunerie Française (ANMF) dans sa note statistique, véritable tableau de bord de la production de farine en France. « L’année 2021 marque une reprise de l’activité avec une production de farine qui retrouve son niveau d’avant la crise Covid, et des ventes qui sont en progression de 2,9 % », annonce l’ANMF. En effet, la production a atteint 3,94 millions de tonnes1 (Mt) pour 5 MT de blé transformées, un niveau quasiment égal à celui de 2019, dernière année de référence avant la crise sanitaire. Cependant, on reste encore loin des standards du milieu des années 2010 où le tonnage atteignait les 4 Mt, avec même une production de 4,17 Mt en 2016. Sur ces 3,9 Mt de farine produites, 63 % sont utilisées pour la panification.
Il est à noter que les productions de farine AB (Agriculture Biologique) et Label Rouge poursuivent leur croissance en 2021 avec respectivement +2 % (155 000 t en 2021 contre 152 000 t en 2020 et 98 000 t en 2017) et + 33 % (237 000 t en 2021 contre 178 000 t en 2020 et 117 000 t en 2017). Des chiffres qui corroborent les résultats du 19e Baromètre de consommation et de perception des produits biologiques réalisé par Agence BIO/Institut CSA selon lesquels 9 Français sur 10 consomment du bio.
Baisse inquiétante de la marge brute à 5,1 %
La quasi-totalité de cette production des farines françaises, soit 95 %, est à destination du marché intérieur. La part des exportations reste stable autour de 5 % de la production, avec 184 720 tonnes en 2021. L’Europe demeure la première destination, représentant 80 % des exportations, majoritairement à destination du Royaume-Uni, de l’Espagne, de l’Irlande, de l’Allemagne, des Pays-Bas et de la Belgique. Viennent ensuite l’Asie (9 %), l’Afrique en net recul (4 %) et le Proche et Moyen Orient (3,6 %). On est cependant loin de l’année record de 2017 où 314 000 tonnes avaient été exportées. Dans le même temps, les importations françaises de farine ont représenté 243 400 tonnes, soit 6 % du total de la farine commercialisée. Ces imports proviennent principalement de l’Union européenne (96 %).
En revanche, si tous les chiffres tendent à revenir à la normale, le ciel n’est pas aussi bleu du point de vue économique. En effet, malgré la hausse du chiffre d’affaires global qui est passé de 1,64 milliard d’euros en 2020 à 1,71 milliard en 2021, l’indicateur de marge brute de la meunerie – c’est-à-dire la part de la farine dans le prix final d’une baguette3 – n’a jamais été aussi bas avec 5,1 % en 2020 alors qu’il était supérieur à 6 % les années précédentes. Cette situation inquiète particulièrement l’ANMF qui, par la voix de son président Jean-François Loiseau, rappelait il y a peu : « La meunerie ne peut plus rogner ses marges comme elle l’a fait ces dernières années. La répercussion de la hausse des coûts tout au long de la chaîne jusqu’au consommateur est vitale. » Il faut donc s’attendre à de futures augmentations du prix de la farine.
Les boulangers artisanaux, premiers consommateurs
Sur le marché intérieur, la boulangerie-pâtisserie artisanale reste la première activité consommatrice de farine en 2021 (voir l’infographie « Détail du marché intérieur ») avec 1 249 574 t utilisées, soit 53,7 % de la panification. Sa consommation est même en hausse de 1,9 %, se rapprochant ainsi de son niveau d’avant Covid, ce qui est plutôt encourageant pour la profession. Pour rappel, elle était de 1 266 610 t en 2019. Cependant, cette hausse doit être relativisée par rapport à la progression de la consommation de farine de 12,5 % enregistrée par la boulangerie-pâtisserie industrielle sur la même période qui atteint un tonnage de 898 142 t contre 782 600 t en 2019. « Une hausse régulière depuis les 10 dernières années », souligne l’ANMF dans sa fiche technique.
Il est également à noter pour l’anecdote que les ventes de farine en sachet, qui avaient connu un engouement très important pendant la pandémie avec une hausse de 32 % de ventes en 2020, sont en baisse de 20 %. Ce segment ne représente que 5 % des ventes totales de farine.
Des perspectives peu encourageantes pour 2022
Si l’année 2021 a été synonyme de reprise, les perspectives d’avenir en 2022 sont nettement moins optimistes aux vues de la situation internationale et des prévisions de récolte du blé tendre en France. En effet, selon Nathan Cordier, analyste Agritel, la récolte 2022/2023 atteindrait 33,3 Mt contre 35,5 Mt en 2021/2022 selon les données fournies par les services statistiques de ministère de l’agriculture (Agreste). « Le retour à la normale de la production de farine est un indicateur positif pour la meunerie en 2021. Cependant, depuis l’automne 2021 et le début d’année 2022, les meuniers sont confrontés aux tensions mondiales du marché du blé et font face à des hausses historiques du prix du blé », explique Jean-François Loiseau. D’autant qu’à cette flambée du coût du blé acheté toute l’année par les meuniers, s’ajoutent la hausse des énergies qui impactent les activités de la filière, que ce soit dans la production de farine ou dans son transport.
« Si les premières données de 2022 montrent une poursuite de la reprise de l’activité au premier trimestre en termes de production et de ventes de farine, les résultats économiques seront cependant en fort recul avec l’augmentation des charges et la compression des marges qui a atteint sa limite. La pérennité des entreprises passe par une juste rémunération de leur travail et leurs savoir-faire », prévient Jean-François Loiseau.
Loïc Corroyer
1 Source FranceAgriMer
2 Source FranceAgriMer et PAQ
3 Source OFPM
La meunerie française en quelques chiffres
– 387 unités de production représentant 342 entreprises ;
– 6 100 emplois directs ;
– 5 millions de tonnes de blés utilisées ;
– 3,9 millions de tonnes de farine commercialisées dont 185 000 tonnes à l’export ;
– 1,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 97 millions d’euros à l’export ;
– La meunerie française se place au 2e rang européen et au 10e rang mondial.
Publié le 1 décembre 2024
Publié le 1 décembre 2024
Publié le 1 décembre 2024