Tendances alimentaires : le grand retour du plaisir
Publié le 1 décembre 2024
Philippe Dubief, agriculteur et président de Passion Céréales
Quel est le rôle de Passion Céréales ?
Passion Céréales est une association qui rassemble la filière céréalière, c’est-à-dire les producteurs et les différents transformateurs, que ce soit pour la farine, la semoule, le malt, l’amidon, ou encore l’alimentation animale. Elle constitue une interface d’information entre les acteurs de cette filière et la société avec pour mission de faire connaître au grand public les céréales et les produits qui en sont issus. Les boulangers y représentent une profession extrêmement importante car ils font partie des derniers maillons de la chaîne de valorisation de la matière première et de l’interaction entre producteur et transformateur. La baguette en est, par exemple, une des images emblématiques.
Quel regard portez-vous sur la filière blé tendre française ?
Très positif ! La France peut compter sur une filière qui, par la richesse de ses territoires, est synonyme de fiabilité, de qualité et de diversité. Cela nécessite un important dialogue entre tous les acteurs car si la qualité profite à tous, chacun en est le garant. Il ne faut pas oublier que pour faire du bon pain, il faut du bon blé ! C’est également une filière pourvoyeuse d’emplois non-délocalisables. En France, les activités liées aux céréales représentent 450 000 salariés, hors boulangerie-pâtisserie. Enfin, c’est aussi une filière qui a conscience des enjeux climatiques et environnementaux. Ainsi, aujourd’hui, la distance entre le grain de blé et la baguette finie est de moins de 200 km. Nous souhaitons aller encore plus loin avec pour objectif la certification de 80 % des céréaliers d’ici 5 ans autour de quatre thématiques : la biodiversité, la fertilisation, l’irrigation et l’usage des produits phytosanitaires. Cette certification est un chemin de progrès pour une agriculture qui évolue.
La pandémie de la Covid-19 a-t-elle impactée la production en 2020 ?
La profession a su s’adapter et faire preuve de résilience. Notre plus gros problème n’a pas été la pandémie, mais les effets du climat. 2020 a été une des plus faibles années de production de blé tendre depuis 20 ans avec 29,7 millions de tonnes (Mt), contre 39 Mt en 2019, soit près de 25 % en moins d’un an ! En cause, des sécheresses précoces et répétées. On constate que le changement climatique arrive vite, et même très vite. Croyez-moi, il n’y a pas de « climatosceptiques » chez les agriculteurs car ils vivent les changements tous les jours. Face à cela, nous avons recours à ce que nous appelons des stratégies d’évitement. Cela consiste à semer et à récolter les céréales plus tôt pour bénéficier de bonnes réserves hydriques.
Cette crise est-elle une opportunité pour l’agriculture de redorer son blason alors qu’elle a été la garante de la souveraineté alimentaire ?
Lors du 1er confinement, le discours du Président de la République sur la souveraineté alimentaire a été un véritable déclic pour tout le monde. Les gens ont eu peur qu’il y ait des pénuries, mais grâce à notre agriculture, cela n’a pas été le cas. Les consommateurs ont toujours pu trouver dans les magasins de la farine, des pâtes… Mais il ne faut pas considérer cela comme acquis. La consommation de céréales dans le monde augmente chaque année de 1,5 %. Pour l’instant, les rythmes de production et de consommation se touchent. Mais avec un climat de plus en plus chaotique et l’accroissement de la population mondiale, cet équilibre est de plus en plus fragile. C’est pourquoi il est essentiel de protéger et de préserver notre capacité de production agricole et sa compétitivité.
Les interactions directes entre agriculteurs, meuniers et boulangers pour produire des farines locales et issues de cultures raisonnées se développent de plus en plus. Est-ce une clé pour l’avenir de la filière ?
C’est effectivement quelque chose que nous voyons apparaître et sur lequel nous travaillons, car cela sera amené à s’intensifier. Les consommateurs sont demandeurs de plus de proximité et il est important que nous incarnions ce marché qui valorise la transparence et le travail du producteur de céréales, du meunier et du boulanger. C’est une opportunité qu’il nous faut saisir. Cette interaction gagnant-gagnant nécessite un vrai dialogue direct entre les différents intervenants afin d’établir un cahier des charges pour bien préciser les demandes de chacun. À ce titre, nous travaillons actuellement à l’élaboration d’une démarche Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) pour la filière, ce qui ne pourra que renforcer notre coordination et notre interactivité.
Publié le 1 décembre 2024
Publié le 1 décembre 2024
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