
CMA France : une centenaire résolument tournée vers l’avenir
Publié le 15 mars 2025
Les notions de nutrition et de santé deviennent de plus en plus prégnantes dans les attentes du législateur et le choix du public. Une étiquette spécifique est ainsi prévue avec l’instauration d’un décret sur le « pain nutrition » ou « pain nutritionnel ». Explications.
C’était en juillet 2023. À l’occasion des questions parlementaires trans-partisanes, Loïc Prud’homme, député La France insoumise (LFI) de la Gironde et membre de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, interroge Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture à l’époque, sur la création d’une appellation « pain nutrition » qui complèterait l’affichage obligatoire en magasin de la composition des produits en boulangerie. Selon l’élu girondin, « produit phare de la culture et de la gastronomie française, le pain est un produit de consommation courante, voire quotidienne, pour un grand nombre de concitoyens et c’est pourtant un produit pour lequel les consommateurs ont le moins de visibilité pour ce qui est de sa composition et de sa qualité nutritionnelle. » D’où sa proposition : « Face à cette situation, il apparaît nécessaire de proposer aux consommateurs une nouvelle appellation, du type pain nutrition. L’idée, c’est de faire revenir les gens dans les boulangeries, de ramener de la confiance, de montrer que les boulangeries artisanales ne sont pas de simples terminaux de cuisson » Concrètement, il s’agit de fournir une information claire et intelligible aux consommateurs sur le pain qu’ils mangent tout en valorisant le travail des artisans boulangers. En retour en date du 9 janvier 2024, le Gouvernement avait répondu « prendre note des propositions formulées par le parlementaire afin de compléter la réglementation en créant une nouvelle dénomination « pain nutrition », et ne pas manquer de les expertiser, en lien avec les parties prenantes. »
Un vide réglementaire
Outre l’idée d’une transparence alimentaire très en vogue, cette proposition répond également à un alarmant constat né d’un vide juridique. En effet, face à l’absence de réglementation ou de loi encadrant cette notion nutritionnelle, de nombreux industriels se sont engouffrés dans la brèche. Ainsi, ces 20 dernières années, a fleuri une multitude de références pour les pains spéciaux dits nutritionnels – qu’ils soient « complets », « au seigle » ou encore « multi-céréales » – sans autres garanties que celles de la publicité faite par les marques et de leur marketing souvent agressif.
Des ambitions multiples
Face à cette offre de plus en plus pléthorique et non encadrée, l’ambition est donc de mettre de l’ordre en poursuivant plusieurs objectifs. Tout d’abord, il s’agit d’améliorer la qualité nutritionnelle des pains relevant de ce décret en diminuant la dose de sel et en augmentant celle de fibres et de sels minéraux, tout en précisant les ingrédients autorisés et ceux qui sont exclus. Le texte entend également garantir la qualité sanitaire des ingrédients, encadrer les conditions de fabrication et mieux informer le consommateur par un étiquetage adapté notamment sur les types de farine.
Premières fournées…
Depuis juillet 2023 et malgré les aléas parlementaires, le dossier poursuit son chemin et des échanges sur le futur décret ont lieu régulièrement entre les représentants de la profession – dont la Confédération Nationale de la Boulangerie-Pâtisserie Française (CNBPF) – les ministères et les différentes administrations (Direction générale des entreprises, Direction générale de l’alimentation, Direction générale de la santé…).
En parallèle, après plusieurs mois de discussions et d’essais, l’équipe de France de Boulangerie (composée des MOF Boulangers et présidée par Sylvain Herviaux) a travaillé à l’écriture d’un cahier des charges de recettes de pains variés qui améliorent la qualité nutritionnelle, en collaboration avec la CNBPF. Suite à cette réflexion, a eu lieu le 29 mai 2024 dans la boulangerie parisienne « Farinez-Vous » la présentation de la gamme et la première dégustation de pains nutritions qui pourront être facilement mis en œuvre par les artisans boulangers et les recettes économiquement viables. C’est aussi un des enjeux essentiels de ce décret !
…et premières conclusions
Après ces travaux, les premières grandes lignes du futur texte peuvent d’ores et déjà être tirées, notamment concernant les ingrédients exclusivement autorisés. Les farines de blé et/ou de seigle devront être d’origine française, la farine sera au minimum de type 80, et les blés et graines seront conservés sans insecticide de stockage. L’ajout de légumineuse, de céréales diverses, de coproduits végétaux, de fruits sera autorisé sans seuil de quantité. La dose maximale de sel sera de 10,2 g par kilo de pain, soit environ 13 g/kg de farine. En revanche, les produits ne devront pas comportés d’additifs, y compris de transfert et d’auxiliaires technologiques, de gluten exogène et de farines aromatiques de levain désactivé. Seule la levure de panification (Saccharomyces cerevisiae) sera autorisée et le pétrissage sera de faible intensité afin de prévenir une oxydation excessive de la pâte. Enfin, l’étiquetage sera obligatoire, que les pains soient emballés ou non, avec une explication particulière sur les types de farine et la liste des ingrédients. Bien sûr, les pains ne pourront, à aucun stade de la production ou de la vente, être surgelés ou congelés.
Si ce décret peut apparaître comme une nouvelle contrainte pour les boulangers, il est pourtant essentiel afin de répondre à l’attente des consommateurs qui portent une attention toute particulière à la qualité des produits qu’ils mangent. En effet, ce décret « pain nutrition » permettra de regrouper sous une même dénomination un très grand nombre de pains sans aucune connotation commerciale et constituera de la sorte un repère fiable pour le consommateur, avec des engagements vérifiables, comme l’est aujourd’hui la baguette de tradition française instituée par le décret 93-1074, du 13 septembre 1993 plus connu sous la dénomination de « décret pain » ou « décret Balladur ».
Loïc Corroyer
CRÉDIT PHOTO PRINCIPALE : _© C. Dellière
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Dominique Anract : « Une bonne chose pour la profession »
CRÉDIT PHOTO : _© C. Dellière
« Il faut rappeler que c’est une demande de consommateurs qui réclament toujours plus de transparence. Il s’agit pour nous de proposer une nouvelle gamme de pains en complément des pains de traditions françaises qui ont déjà un bon indice glycémique. Réalisés à base de levain, ces pains nutrition sont bons pour la santé, riches en fibres, offrent une meilleure conservation tout en ayant du goût. C’est donc une bonne chose pour la profession car nous avons là, si ce n’est un produit d’avenir, tout du moins un produit dans l’air du temps. Cela prouve une nouvelle fois que la boulangerie est toujours innovante, qu’elle sait se réinventer, que c’est un métier moderne. Je rappelle également que le pain nutrition ne sera pas une obligation, mais c’est assurément un atout dans la manche des artisans boulangers pour se démarquer de la concurrence. La Confédération ne manquera pas d’accompagner les boulangers en organisant des stages de formation dans les régions », souligne Dominique Anract, président de la Confédération Nationale de la Boulangerie-Pâtisserie Française.
Publié le 15 mars 2025
Publié le 15 mars 2025
Publié le 15 mars 2025