Laetitia et Olivier Antoine n’ont pas attendu d’être confrontés à l’augmentation des tarifs pour prendre des mesures et signer des contrats à prix bloqués sur l’énergie, même s’ils redoutent les échéances à venir. Ne pas allumer les trois soles du four quand on n’en a pas l’usage et profiter de son inertie pour cuire les meringues, éteindre l’éclairage inutile et regrouper les denrées dans un seul congélateur quand c’est possible, autant de mesures qui leur ont permis d’obtenir une baisse de 20 % sur leur facture mensuelle.

Il est de plus en plus fréquent de voir des salariés expérimentés du secteur tertiaire quitter leur poste, attirés par le métier d’artisan boulanger. Pour Laetitia et Olivier Antoine, tout a commencé en 2016 avec une remise en question professionnelle, alors que tous deux travaillaient dans la logistique et les transports maritimes. « Avec la mondialisation, nos métiers avaient beaucoup changé, prenant une orientation essentiellement financière. Nous avions l’impression de participer à la désorganisation du monde », précise le couple.

En résumé, tous deux aspirent à un changement radical. Pour Olivier, ce sera un CAP Boulangerie à l’INBP de Rouen, et pour Laëtitia, un CAP Pâtisserie à l’école Ferrandi. « J’étais très fière d’être prise à l’école Ferrandi et durant cette formation, j’ai eu la chance de faire un stage de 2 mois chez Christophe Michalak, après avoir déposé mon CV au culot », indique la pâtissière.

Dès lors, les choses s’enchaînent très rapidement avec en 2018 la reprise en location gérance d’une boulangerie à Drocourt (78), un petit village de 530 habitants situé sur un axe très passant, qui mène de Mantes à Magny-en-Vexin. Une entreprise qu’ils rachèteront un an plus tard grâce à un premier bilan convaincant. C’est alors que la mairie de La-Roche-Guyon les sollicite pour reprendre un fonds de commerce dont elle est propriétaire. En janvier 2022, un troisième établissement, situé à Gasny (27), vient rejoindre l’enseigne « Quai des Pains » qui compte désormais 21 salariés.

Organisation et rigueur

De leur ancien métier, les artisans ont gardé le sens de l’organisation et la rigueur nécessaire à la bonne marche de trois boulangeries aux profils de clientèles différents. Beaucoup de clients de passage et de locaux pour Drocourt et Gasny, beaucoup de touristes, de résidences secondaires et de produits à forte valeur ajoutée pour La-Roche-Guyon avec la proximité de Giverny.

Toute la pâtisserie et les viennoiseries sont fabriquées à Drocourt qui dispose d’un grand labo. De son côté, le pain est pétri, façonné et cuit dans chaque boulangerie comme il se doit. Une gamme qui comprend les pains de base comme la tradition (farines Moulins Familiaux), la baguette blanche et les spéciaux classiques, mais aussi la baguette au sarrasin ou le pain de méteil et le pain de Kamut. Pas moins de 8 références viennent satisfaire les plus exigeants en matière de pains biologiques (la tourte de meule T110, le nordique, le petit épeautre et la tourte de seigle auvergnate) et les amateurs de pains aux ingrédients mêlés disposent d’une offre de choix avec pas moins de 15 références, dont le cacao orange sur base de tradition. « Aujourd’hui, mon mari Olivier est à 100 % dans la production, au tour et en boulangerie et à 100 % en gestion, ce qui fait 200 % ! Pour ma part, j’ai quitté la production pour la vente, les achats et les négociations avec les fournisseurs et je me déplace tous les jours dans nos trois magasins », explique Laëtitia Antoine.

Une pâtisserie allégée

Sur la pâtisserie, Laëtitia a imprimé sa marque et ses cahiers de recettes, substituant au passage la crème légère au beurre et limitant le sucre. Entremets framboise pistache, tartelette au citron meringuée, pâte à choux et bases de biscuits breton, le flan et le cheese cake remportent un franc succès. Quand les américains font escale depuis les bateaux de croisière sur la Seine, ils réclament « le meilleur éclair au chocolat du monde ».

Le rayon snacking reste sur une offre de salades fraiches, de sandwichs baguette pour la boulangerie de Drocourt et 11 sandwichs « dégustation », dans les deux autres magasins, soit 2/3 de baguettes de tradition aux garnitures riches et soignées, fromages AOP, crudités avec huile de noix, pour les touristes en balade.

Un pâtissier formé comme pizzaiolo met également à profit ses compétences pour offrir des pizzas à la pâte fine et moelleuse. L’année prochaine, le couple d’artisans ouvrira sa 4^ème boulangerie à Hardricourt (78), tout proche. Un projet qui leur tient à cœur puisqu’ils partent d’un terrain vierge et d’une feuille blanche pour bâtir un commerce de 300 m² sur deux niveaux. La boulangerie ouvrira à la fin de l’été prochain.

Texte et photo : Frédéric Vielcanet