« Farinez-Vous », quand l’économie sociale et solidaire entre en boulangerie

« Farinez-Vous », quand l’économie sociale et solidaire entre en boulangerie

Rencontre avec...
Publié le 7 octobre 2019

Domitille Flichy (à droite) est titulaire d’un master de droit du travail et d’un master 2 de sociologie.

Avant la fin de cette année et à la condition de boucler son plan de financement, Domitille Flichy envisage d’ouvrir une école de boulangerie. Accolée à un fournil de production, cette structure pourra accueillir des personnes en difficulté, ne disposant pas toujours du niveau d’instruction nécessaire à l’obtention d’un CAP. L’école formera des aides boulangers et des aides touriers à la maitrise des connaissances de base, afin de leur permettre une intégration réussie sur le marché du travail.

L’économie solidaire s’exerce à travers différents types d’entreprises comme les associations, les mutuelles, les fondations, les coopératives, les organismes d’insertion. Ces entreprises ont toutes en commun de défendre un modèle économique différent, qui ne soit pas basé uniquement sur le profit et l’exclusion des laissés-pour-compte du système.

Pour autant, les entreprises de boulangerie travaillant avec des adultes en insertion sont assez rares. C’est pourtant la voie choisie depuis 2009 par Domitille Flichy, la créatrice de l’enseigne « Farinez Vous ». Il faut dire que cette entrepreneuse sociale maitrise parfaitement son sujet. Titulaire d’un master de droit du travail et d’un master 2 de sociologie, dont le mémoire portait sur l’insertion professionnelle des femmes, elle a débuté sa carrière dans la fonction territoriale, comme chargée de mission emploi, au sein de Conseils Généraux. « Je finançais alors des projets d’insertion et j’ai eu la tentation de passer de l’autre côté du miroir. J’adore le pain et j’avais déjà le projet d’ouvrir cette boulangerie un peu spéciale. En 2008, j’ai décidé de quitter mon poste pour me lancer dans cette nouvelle aventure et démontrer qu’un commerce de proximité comme la boulangerie pouvait devenir un lieu propice à la solidarité et au développement durable », insiste Domitille Flichy.

Un recrutement difficile

Au départ, la jeune femme compte sur le hasard des rencontres pour trouver un boulanger qui accepterait de s’associer avec elle, mais elle se retrouve très vite confrontée à un métier technique où le recrutement est souvent difficile. « J’ai choisi la boulangerie en étant totalement inconsciente de la dureté du métier. Au début, je pensais passer un CAP de boulanger en accéléré, mais je n’en ai même pas eu le temps et nous avons ouvert notre premier magasin, rue Villiot, dans le 12e à Paris en septembre 2009 », indique la boulangère qui a passé les six premières années à la vente de sa production. En 2014, une deuxième boulangerie a même vu le jour à la même enseigne, rue du Château des Rentiers dans le 13e. « Nous avons aujourd’hui 16 salariés au total, dont 8 dans l’encadrement et 8 en insertion. Nous formons un boulanger et un tourier et les 6 autres se destinent à une qualification de préparateur salé sandwicheur », détaille Domitille Flichy.

Qualité optimale

Dans les deux magasins, la gamme de produits est courte pour permettre un apprentissage des connaissances en douceur et une qualité optimale : baguette de tradition Label Rouge (moulin Bourgeois), baguette blanche et une demi-douzaine de pains spéciaux à base de farines bio. En sucré, on trouve les grands classiques de la viennoiserie (brioches, croissants, pains au chocolat, oranais), de la tarterie et des pâtisseries de boulanger. Les commerces disposant d’un espace restauration assise conformément aux souhaits de leur créatrice, un « salade bar » trône au milieu des magasins pour proposer des formules avec salade fraicheur à la minute, accompagnées de petits pains nature ou aromatisés et d’une boisson.

Les entreprises d’insertion sont soumises aux mêmes contraintes que les autres, elles bénéficient d’aides (10 000 € par personne et par poste à temps plein chaque année), à condition d’obtenir un agrément octroyé par le Ministère du Travail. « Tous les ans, cet agrément est remis en cause. Nous avons donc deux activités qui se croisent : une activité économique qui représente 90% de notre budget et 10% de subventions qui financent notre travail social. Dans notre cas particulier, nous devons considérer la rentabilité de l’entreprise dans sa globalité, mais néanmoins, je considère que nous restons fragiles », précise Domitille Flichy. Mais preuve que le travail paie, les boulangeries « Farinez Vous » sont devenues récemment membres du prestigieux « Collège Culinaire de France » comme « producteur artisan de qualité ». Fondé par 15 chefs cuisiniers français reconnus internationalement, le Collège Culinaire de France s’est donné pour mission de promouvoir la qualité de la restauration en France et dans le monde.

Texte et photo Frédéric Vielcanet

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