« Le pain doit être présent à chaque repas »

« Le pain doit être présent à chaque repas »

Actualités
Publié le 14 août 2019

Annabelle Biotti, diététicienne-nutritionniste

Annabelle Biotti

Quel est l’intérêt nutritionnel du pain pour l’enfant ?
Le pain est une source d’énergie très appréciable pour l’enfant, d’abord pour l’apport en glucides complexes qui sont le « carburant » dont il a besoin en continu dans la journée. De nombreux parents ignorent encore qu’un enfant de 10 ans a fondamentalement quasiment les mêmes besoins nutritionnels en matière d’énergie qu’un adulte ! Consommer du pain permet également de compléter l’alimentation en protéines d’origine végétale, en fibres, en vitamines et en minéraux. Or, aujourd’hui, notre régime alimentaire a justement tendance à être déficient en certaines vitamines, à apporter trop peu de fibres ou à être trop riche en glucides
« simples » au détriment des glucides « complexes ». Le pain fait partie de
ce que j’aurais envie d’appeler les « essentiels » de l’alimentation. Se priver ou négliger ces « essentiels » risque d’induire du grignotage, du « superflu » et une consommation plus importante de sucre et de gras.
On parle souvent du coup de barre de 11h. C’est une réalité et on peut l’éviter en ayant un apport énergétique suffisant au cours du repas le plus important de la journée – le petit déjeuner – et notamment grâce au pain. J’ajouterais enfin que consommer du pain permet de se mettre à table, de manger ensemble, en famille. Pour un enfant, ce moment de partage est bénéfique d’un point de vue social et dans la structuration de son équilibre alimentaire. En somme, c’est mieux que de manger en vitesse un biscuit en
montant dans sa chambre !

Quels conseils de consommation donneriez-vous aux parents pour leurs enfants ?
Le pain doit être présent à chaque repas, pour plusieurs raisons. Quand il n’y a pas d’autres produits céréaliers, comme le riz, ou des pommes de terre, il faut absolument avoir un apport de glucides complexes pour permettre la satiété de l’enfant et donner de l’énergie au long cours pour la journée. Le pain permet aussi de compléter l’apport nutritionnel
des repas. Bien sûr, cette consommation doit être adaptée à l’âge, à la sensation de faim de l’enfant, à ses besoins physiologiques et à son activité physique. Dans le cas de « petits mangeurs » par exemple, l’apport de pain est intéressant. À la cantine, certains enfants mangent assez peu, mais se rattrapent sur le pain dont la consommation va leur permettre d’être rassasiés pour le reste de la journée. N’oublions pas enfin l’importance du goûter, qui est souvent considéré comme un repas non indispensable par les parents. C’est pourtant un excellent relais entre le déjeuner et le dîner, au cours duquel on a tout intérêt à faire manger du pain qui est pauvre
en gras et en sucre, mais riche en nutriments utiles à l’organisme.

Quelles observations faites-vous sur le rapport des enfants avec le pain ?
La consommation de pain des enfants est généralement calquée sur celle des parents, surtout sur celle de la mère. Une maman préoccupée par son poids ou d’éventuels troubles digestifs qu’elle associera plus ou moins consciemment au pain aura tendance à « faire la police » envers cet aliment, particulièrement si elle considère que son enfant est en surpoids. Ces mères sont en fait « les héritières » de la règle des « 3P » des années 80 (pas de pâtes, pas de pain, pas de pommes de terre), qui trouve aujourd’hui une nouvelle gloire sur les réseaux sociaux. C’est dommage, car il y a aussi
chez l’enfant, comme chez l’adolescent, un vrai plaisir associé à la consommation de pain. Certains me rapportent, par exemple, qu’ils sont
ravis d’aller chez leurs grands-parents car il y a traditionnellement du
pain frais qu’ils peuvent consommer plus librement. Ce que je constate
aussi, c’est que le pain est un excellent vecteur pour l’apprentissage de nouveaux goûts et apporte aussi une certaine autonomie aux enfants. L’enfant commence assez tôt à faire lui-même ses propres tartines, en ayant la liberté de choisir ce qu’il veut mettre dessus. C’est une bonne chose que de les inciter, par exemple, à l’associer au fromage, sachant que l’on constate de plus en plus fréquemment une déficience en calcium chez les plus jeunes.

Comment réagissez-vous face au concept de « nutritionnisme » de l’alimentation ?
Sans forcément lui donner un nom, c’est quelque chose que j’observe
tous les jours. Nous avons une vraie tendance à ne plus parler de l’aliment mais uniquement de ce qu’il apporte. Or, savoir ce qu’apporte un aliment est bien sûr nécessaire dans le cadre d’une alimentation équilibrée, mais on ne peut pas réduire un aliment aux nutriments que l’on ingère. Le risque est de conduire ensuite à une forme de diabolisation.
Un aliment n’est pourtant jamais bon ou mauvais intrinsèquement, il s’inscrit dans le système global de l’alimentation qui doit être variée, équilibrée et source de plaisir. J’observe aussi la tendance au « nutritionnisme », avec les mouvements des « sans » qui aboutissent dans un certain nombre de cas extrêmes à des troubles du comportement alimentaire. En cette heure de « diktats » alimentaires, il me semble important, voire primordial, de revenir à une éducation alimentaire dès le plus jeune âge qui rappelle aussi l’importance du plaisir. Et ce que je constate, c’est que le pain est un aliment sain qui plaît aux adultes comme aux enfants. Ne nous en privons pas !

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