Grandir avec le pain : une histoire de partage, d’apprentissage et d’intégration sociale

Grandir avec le pain : une histoire de partage, d’apprentissage et d’intégration sociale

Actualités
Publié le 15 juin 2019

De gauche à droite : Bernard Valluy, Co-Président de l’Observatoire du pain et Président du Centre d’Information des Farines et du Pain, Dominique Anract, Co-Président de l’Observatoire du pain et Président de la CNBPF, Claude Fischler, socio-anthropologue et directeur de recherche émérite au CNRS, et Annabelle Biotti, diététicienne-nutritionniste.

Entre attachement, appétence et nutrition, le pain tient une place importante dans la culture française. La preuve, nous avons tous un souvenir familial en lien avec cet aliment : que ce soit le premier quignon de pain de bébé, la lutte parfois acharnée pour déguster les fameux croûtons de la baguette, ou encore l’aïeul qui bénissait la miche avant de la rompre.

C’est ce rapport passionné qu’ont les Français, et plus particulièrement les jeunes Français, avec ce symbole de la gastronomie nationale qu’a étudié Claude Fischler – socio-anthropologue et directeur de recherche émérite au CNRS – pour l’Observatoire du Pain. Pendant un an, ce chercheur s’est penché sur le sujet, avec pour problématique : comprendre la place du pain dans les apprentissages alimentaires et sociaux de l’enfant. Une question d’avenir pour notre profession car elle représente une opportunité essentielle pour mieux appréhender les réflexes de consommation du pain chez les jeunes générations et la place qu’il tient dans leur vie.

« Un rite de passage »

Tout à la fois quantitative et qualitative, cette étude s’est étayée sur une enquête exclusive récente conduite auprès de 800 mères d’enfants de 7 à 17 ans et d’un groupe de 60 adolescents (13 à 17 ans). Les résultats révèlent les contributions significatives du pain aux « acquis » des petits Français, tant sur le plan social que nutritionnel, avec des valeurs fortes.

La première chose que l’on constate est que l’histoire entre le pain et l’enfant commence très tôt. « Le pain est l’un des tout premiers aliments solides dont on laisse le bébé se saisir. Il l’attrape, le porte à la bouche, s’y « fait les dents ». Il découvre un nouveau goût. Cet aliment est l’un des premiers à être identique à ceux que les adultes ont à leur table », constate Claude Fischler qui relève là « une véritable dynamique d’apprentissage ». Ainsi, pour 63,5% des personnes sondées, le croûton de pain a été le premier aliment solide donné à l’enfant.

L’histoire continue au fur et à mesure que l’enfant grandit. Ainsi, le pain est également un vecteur de conquête d’autonomie. « C’est un rite de passage », souligne le chercheur. « Le pain est très tôt associé à la notion de sécurité. On témoigne à l’enfant une certaine confiance en le laissant se saisir du pain, puis quelques années après en lui confiant cet achat… Ensuite on voit que l’enfant associe le pain à sa sécurité alimentaire… La présence du pain, c’est la garantie d’être rassasié. Plus tard, le sandwich dans le sac à dos renforcera cette confiance avec une dimension supplémentaire d’autonomie. Le premier repas pris à l’extérieur, souvent avec d’autres, sans les parents, l’est souvent avec le pain. »

Le pain est également associé à la notion de partage. « La dimension centrale du partage marque le rapport au pain toute la vie durant. Sans aucun besoin d’explication, l’enfant l’intègre. Le pain en France est souvent et traditionnellement un pain long. Et ce pain, on le rompt – c’est-à-dire qu’on le partage – facilement. Ces rites et ces pratiques, comme celle de se passer le pain « à la main » quand il n’y a pas d’invités contribuent à l’intégration de l’enfant dans son groupe », remarque Claude Fischler.

L’écueil nutritionniste

Le scientifique s’est aussi intéressé à la transmission entre les générations de ce goût des Français pour le pain. « Naturellement, la contribution du pain aux apprentissages alimentaires et sociaux de l’enfant est étroitement corrélée à la place de l’aliment à table, chez soi ou à la cantine. Certains considèrent qu’il n’y a pas de vrai repas sans pain, d’autres montrent un fort enthousiasme pour la diversité des pains et d’autres enfin considèrent le nutriment plutôt que l’aliment. Cette dernière catégorie est particulièrement intéressante car la présence du pain à la table de l’enfant y est alors soumise à un ensemble de normes et de règles nutritionnelles strictes. Dans ce cas, on ne pense plus forcément pain, mais source de sucres lents ce qui fait que la préoccupation diététique brouille la transmission. De tels phénomènes – en progression mais minoritaires dans certaines catégories sociales urbaines éduquées – participent d’une tendance au « nutritionnisme » de notre société. », constate Claude Fischler. Et de s’inquiéter : « Ramener l’alimentation à la nutrition a des conséquences importantes : remplacer des usages traditionnels, la culture de la commensalité, par des choix individuels considérés comme rationnels et salutaires. »

Ce constat est partagé par Annabelle Biotti, diététicienne-nutritionniste. « La consommation du pain, de par ses qualités nutritionnelles, de plaisir, de variété, les valeurs de tradition, de partage et de transmission qu’il véhicule, a toute sa légitimité. Il est primordial de revenir à une alimentation équilibrée et de plaisir. Le pain fait partie de ce que j’aurais envie d’appeler les « essentiels » de l’alimentation. Se priver ou négliger ces « essentiels » risque d’induire du grignotage, du « superflu » et une consommation plus importante de sucre et de gras. », a-t-elle rappelé avant de conclure : « En cette heure de « diktats » alimentaires, il me semble important, voire primordial, de revenir à une éducation alimentaire dès le plus jeune âge qui rappelle aussi l’importance du plaisir. Et ce que je constate, c’est que le pain est un aliment sain qui plaît aux adultes comme aux enfants. Ne nous en privons pas ! »

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