Xavier Hervy, formateur en boulangerie et responsable du Pôle Métier de Bouche au CIFA de l’Yonne
Publié le 15 décembre 2024
Devant son magasin de Papeete, Dany Dana a créé le « Marché Nature ». Cet espace regroupe des producteurs locaux sur une quinzaine de stands. Fruits et légumes, miel et vanille de Tahiti, pains spéciaux y sont toujours présents, comme un retour aux sources pour l’ancien marchand ambulant des marchés d’Ile-de-France.
Avant de s’installer en Polynésie Française comme boulanger, Dany Dana a écumé pendant 10 ans les marchés, les foires et les salons de la région parisienne, comme marchand de pain ambulant. « Cette façon de travailler me permettait de conserver une certaine liberté. Au départ, je me suis associé avec des artisans boulangers et très vite, j’ai monté mon propre fournil dans le Val-d’Oise pour fabriquer des gros pains de campagne à la coupe et des spéciaux », raconte le boulanger.
Pourtant Dany et son épouse Bérangère rêvent d’un autre cadre de vie et durant deux voyages d’agrément en Polynésie Française, ils tombent amoureux des lieux, à tel point que charmés par le climat et l’ambiance, ils décident de s’y installer en 2014. « J’ai tout de suite voulu acheter un fonds de commerce, mais je ne connaissais pas le marché local et quand on m’a proposé un job de direction commerciale dans les produits alimentaires, j’ai accepté, ce qui m’a permis de me forger pendant 3 ans une bonne expérience auprès de la clientèle des commerces de proximité et des hôtels de Tahiti », indique Dany Dana. En 2017, le boulanger tombe en arrêt devant un bel emplacement du centre-ville de Papeete et après d’âpres négociation, finit par l’acheter. Mais il réalise rapidement que la boulangerie tahitienne est aux antipodes de celle de la métropole.
Produit de première nécessité
En Polynésie, le pain PPN (produit de première nécessité), au tarif réglementé de 57 francs pacifiques (soit 0,48 euro), domine un marché limité. « Il y a encore peu de temps, la baguette de tradition à laquelle je tiens beaucoup était presque inconnue. Mais les gens commencent à s’intéresser aux produits boulangers lorsqu’ils ont l’occasion de voyager à l’étranger et de ce fait, nous disposons d’un bon potentiel de progression », note le boulanger.
Face à cette situation, Dany Dana a rapidement fait le choix de la diversification en ouvrant le 1er janvier 2018. Boulangerie, pâtisserie, restauration, traiteur, ces quatre activités ont rapidement permis à l’enseigne « Patachou » de se tailler une solide réputation bien au-delà des limites de la ville de Papeete. Mais encore faut-il s’affranchir des difficultés d’approvisionnement sur les farines importées d’Australie, de Nouvelle-Zélande et de Métropole. « Aujourd’hui, j’arrive enfin à avoir de la tradition label rouge T65 par des distributeurs et c’est tout récent. Autrement, on doit la faire venir, avec 35 jours de mer et des difficultés de stockage à cause de l’humidité. De plus, je trouve du très bon beurre pour faire de la viennoiserie artisanale, alors que jusqu’ici les produits industriels étaient roi à Tahiti », remarque le boulanger.
Des fruits à profusion
Ces problèmes sont largement compensés par une nature qui donne des fruits à profusion pour le bonheur des pâtissiers de la maison qui peuvent ainsi fabriquer des tartes à la papaye, à la goyave ou des gâteaux à la banane. « En revanche, les fraises et les framboises coûtent une petite fortune et les Tahitiens aiment bien les pâtisseries gourmandes, avec de la crème, plutôt sur le modèle américain. Alors que les Européens et les gens de passage vont plutôt rechercher ce qui est vendu en métropole comme mon Papeete-Brest, qui est un Paris-Brest avec une touche de vanille locale, ou les tartes Bourdaloue, les éclairs et les millefeuilles », observe Dany Dana.
Avec près de 200 places assises et une immense terrasse de plus de 100m2, la restauration constitue également une part très importante de l’activité du commerce ouvert sur l’extérieur, pour une cuisine d’inspiration asiatique (tartares de poisson marinés, sashimis, viandes accompagnées de légumes locaux). Deux ans et demi après l’ouverture de Patachou, le boulanger fait un premier bilan et pense déjà à l’avenir. La marque est déposée et un second point de vente a ouvert à Punaauia, au sud-ouest de Papeete. « Je pense à ouvrir un 3ème et un 4ème commerce dans l’ile et pourquoi pas me tourner vers l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Calédonie, où même la Métropole. Ce serait un vrai challenge de faire découvrir des produits qu’on ne connaît pas là-bas ! »
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